Inauguration de la
Stèle de la résistance
22 septembre 2023
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les responsables d’associations d’anciens combattants,
Chères concitoyennes, chers concitoyens,
Qui ne s’imagine pas, aujourd’hui, avoir été résistant.
Et pourtant, au cœur d’un conflit amené insidieusement en une décennie et qui a tant bousculé chacune et chacun dans sa vie et dans son être, était-ce aussi simple, être le résistant courageux, être le collabo inique, n’être ni l’un ni l’autre et regarder passivement grandir la bête immonde …
De nombreuses personnalités historiques sont connues pour avoir lancé, organisé, voire commandé et administré des mouvements de résistance et de lutte contre leurs oppresseurs.
Spartacus, esclave qui se rebelle contre l'autorité romaine.
Jeanne d'Arc qui participe à délivrer la France de l'occupation anglaise.
Abdelkader Muhieddine, chef de guerre contre la conquête de l'Algérie par la France au XIXème siècle.
Olympe de Gouges, héroïne révolutionnaire et militante féministe arrêtée puis guillotinée.
Geronimo, Crazy Horse et Sitting Bull, chefs indiens, reconnus comme des résistants à l'invasion de leurs terres américaines par les colons européens.
Sarraounia, reine africaine opposée à la conquête coloniale du Tchad en 1899.
Buenaventura Durruti, dirigeant de la révolution sociale espagnole de 1936.
Louise Michel, figure majeure de la Commune de Paris.
Ho Chi Minh, leader anticolonial durant la guerre d'Indochine.
Rosa Parks , militante anti-ségrégationniste américaine.
Osman Batur, leader de la cause ouïghour, opposant à l'occupation chinoise.
María Fermina Rivera, insurgée de la guerre d'indépendance du Mexique.
Nelson Mandela, opposant au régime d'Apartheid en Afrique du sud.
La liste est interminable de celles et ceux qui se sont levés pour résister à l’occupation, à l’oppression, de tous temps et dans toutes les civilisations.
En France, cet esprit de résistance, de lutte contre l’oppression figure à l’article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Elle proclame quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'homme »,
La liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
Cette Déclaration des droits, reprise en préambule à la Constitution de 1793, fait de la résistance à un pouvoir arbitraire un devoir de chaque citoyen.
C’est finalement un conflit vieux de plus de 80 ans aujourd’hui qui consacre définitivement en France les valeurs de la résistance.
Ce qu’avaient en commun les résistants durant la seconde guerre mondiale, quelles que soient leurs origines, leurs confessions, qu’ils soient gaullistes, communistes, ce qu’ils avaient tous en commun, c’était les risques de dénonciation, d’arrestation, de torture, d’exécution et de déportation.
Ce qu’ils avaient en commun, c’étaient deux ennemis, une armée d’occupation mais aussi une milice française.
Ce qu’ils avaient en commun, c’était la répression qui s’abattait sur eux. Pour que les exécutions, les embuscades et les déportations soient acceptées, il fallait salir les résistants, il fallait que la police collaborationniste soit vue comme le rempart, comme le bras de la justice, c’est pourquoi les résistants étaient traités comme des traîtres à leur patrie, comme des terroristes.
Il s’agissait bien de faire peur à la population, pour quelle ne soutienne ni ne rejoigne la résistance, il s’agissait de faire peur pour faire taire les sympathies et mieux réprimer et supprimer les résistants.
Avec cette stèle, avec ce pupitre, nous rapprochons aujourd’hui les hommes et les lieux où ils se sont illustrés, nous nous souvenons d’une armée des ombres du Pays Mellois entre plateaux et vallées, entre bourgs et villages, entre bois et hameaux, nous participons humblement à maintenir la flamme.
« La flamme de la résistance ne doit pas s’éteindre ... », et ils ont permis qu’elle ne s’éteigne pas, parfois au prix de leur vie, et nous vivons libre depuis.
« … et elle ne s’éteindra pas », ce message est pour nous, cette liberté gagnée au prix du sang, nous avons le devoir de la choyer, de la défendre.
Ce futur doit être notre présent, c’est pour cela que je veux désormais parler au présent.
Il y a au sein de la résistance, celles et ceux qui refusent la défaite.
Il y a celles et ceux qui ne supportent pas l’idée de devoir vivre à genoux.
Il y a celles et ceux qui agissent au nom de leur conscience parce qu’ils comprennent ce qui se joue quand les libertés sont agressées.
Il y a celles et ceux qui ne tolèrent pas qu’on leur impose un dieu ou ne tolèrent pas qu’on le leur refuse.
Il y a celles et ceux qui veulent penser librement sans être soupçonnés pour leurs convictions.
Personne ne l’a mieux dit qu’Aragon dans son poème La Rose et le Réséda. Celui qui croyait au ciel,
Celui qui n'y croyait pas.
Quand les blés sont sous la grêle,
Fou qui fait le délicat,
Fou qui songe à ses querelles,
Au coeur du commun combat.
Celui qui croyait au ciel,
Celui qui n'y croyait pas.
L’esprit de résistance fait fi des différences de chacune et de chacun.
Pour vaincre, la résistance ne peut se permettre les conflits internes.
La résistance n’a pas de dieu, elle n’a pas de parti, les petites disputes n'ont pas lieu d'être. Elles doivent être dépassées, le devoir est de s'unir.
C’est le sens de la gerbe unique que nous déposerons tout l’heure au pied de la stèle. Une seule pour toutes et tous, quelles que soient nos différences, quelles que soient nos divergences. Et l’automne venu, les jardiniers et fleuristes de la commune viendront installer au pied de cette stèle, une gerbe permanente, faite de plantes vivaces, comme doit l’être l’esprit de la résistance, vivace.
C’est la deuxième fois que cette même stèle est inaugurée, elle a en effet été déplacée de quelques dizaines de mètres et son pupitre actualisé. Lors de sa première inauguration, Eric Gautier alors président du Syndicat mixte du Pays Mellois avait prononcé un discours auquel je me suis permis d’emprunter quelques phrases et références, qu’il soit remercié, c’est une manière pour moi d’assurer cette nécessaire continuité, cette vivacité de la mémoire locale.
Sylvain Griffault, Maire de Melle
Crédit photos : Didier Darrigrand